Perdue dans les pensées ... (PV Artémis et Iris)

Premièrement, la plage était un endroit qu'Orora appréciait.
Secondairement, si elle n'avait pas sa balade ici, au moins une fois par jour, elle était d'une humeur aussi désagréable qu'insupportable.
Troisièmement, c'était un endroit pratique pour semer des gardes à moitié saoûls : ils avaient tous le temps de se perdre en chemin.
Quatrièmement, après un appel de sa soeur, elle avait toujours tendance à être en rogne. Et le bruit de l'eau avait tendance à l'apaiser.

Une fois de plus, et fidèle à son habitude, elle s'assit en tailleur sur le sable. La plage était un endroit idéal pour penser, en plus. Ce à quoi elle pensait ?
Lewis : trouver un moyen de le virer. Orora n'avait cessé de tourner et retourner le problème dans sa tête, le considérant sous tous les angles.
Puis ses pensées dévièrent vers Artémis, sans transition apparentes. Les menaces d'Ororéa avait piqué sa soeur au vif, et à présent, elle se demandait si oui où non elle devait se reprocher d'avoir mit l'ingénieur dans le plus gros problème qu'était celui de la politique.
Surtout la politique actuelle, qui était pour le moins assez compliquée : elle mêlait crainte, fierté et sentiments à la vraie politique, ce qui rendait les choses encore plus compliquées.
Enfin ... au moins Artémis était-il capable de supporter les excès de colère ou de tristesse d'Orora - qui soit dit au passage seraient peut-être moins difficiles à supporter que les excès de mépris d'Ororéa.

Artémis ... la reine d'Enrora avait à peine quitté le palais depuis vingt minutes que déjà il lui manquait.

Fixant un point sur l'horizon, elle se força à détourner ses songes, à faire le vide. A tel point qu'elle n'entendit même pas quelqu'un s'approcher.

Il était rare que l'on aborde Orora de cette manière : d'abord on lui posait une question, et sans lui laisser le temps de répondre, on engageait la conversation.
Pourquoi pas, après tout ?
Orora écouta Nîne se confier en silence. Elle se revit elle-même, lors de la mort de son frère.

Orora leva le regard vers la domestique qui déposait sa tasse de café habituelle sur la table, devant Ori. Un bref coup d'oeil de la cadette des Klaykten suffit à comprendre que tout se passait comme prévu : la domestique en question avait bien versé le cyanure de potassium.
Orora baissa le regard sur sa propre tasse. Elle sentait, mal à l'aise, le regard de son frère sur elle. Relevant lentement le visage, elle le vit porter la tasse à ses lèvres. Et au bout de quelques secondes, il suffoqua et tomba de sa chaise. Aussitôt, Ororéa se leva et se précipita pour s'agenouiller devant lui en le suppliant de se relever. Orora fit de même, à un point près : elle ne s'agenouilla pas près de lui et resta au contraire debout, à jeter un regard méprisant sur le cadavre. Ceci n'échappa pas à Ororéa :
"Ora ... tu sais ce qu'il a ?
-Oui. Il a ce qu'il mérite, Oréa."
Depuis ce jour, les rapports de soeur à soeur avec Ororéa s'étaient compliqués.

Mais jamais, jamais Orora n'irait avouer à Nîne cette histoire sur la mort d'Ori. Parce que même si les souvenirs pouvaient parfois s'estomper, ceux-là étaient de ceux qui étaient perpétuels.
Tous les soirs la reine d'Enrora devait continuer à subir ce que son frère lui avait fait. Tous les jours elle devait supporter ce qu'Ori avait placé dans une mémoire. Une mémoire à jamais tachée.
Tachée de douleur, de honte et de sang.
Si Artémis adoucissait les actes passés, il ne pourrait toutefois les effacer. Parce que le mal était fait.

"Je suppose que vous vous sentez comme un assassin sans coeur et sans âme, maintenant ? Que vous craignez de finir votre vie derrière les barreaux ?"

Orora, qui n'avait jusqu'ici cessé de fixer son point imaginaire, orienta le visage vers Nîne. Mais ses yeux semblaient vides. Comme si elle était ici et ailleurs à la fois.

"Si vous regrettez vos actes, allez en parler à la police. Mais sachez que de tout ce royaume, je devrait être la première sous les barreaux. Alors croyez-moi, ce n'est pas moi qui colerrais quelqu'un au violon."

La seule personne qu'elle aurait voulu coller au violon restait son frère, et il était maintenant trop tard pour l'y mettre.